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vendredi 11 décembre 2015

Chronique lecture: "Hygiène de l'assassin" d'Amélie Nothomb



"Prétextat Tach, prix Nobel de littérature, n’a plus que deux mois à vivre. Des journalistes du monde entier sollicitent des interviews de l’écrivain que sa misanthropie tient reclus depuis des années. Quatre seulement vont le rencontrer, dont il se jouera selon une dialectique où la mauvaise foi et la logique se télescopent. La cinquième lui tiendra tête, il se prendra au jeu. Si ce roman est presque entièrement dialogué, c’est qu’aucune forme ne s’apparente autant à la torture. Les échanges, de simples interviews, virent peu à peu à l’interrogatoire, à un duel sans merci où se dessine alors un homme différent, en proie aux secrets les plus sombres."



     Nous nous retrouvons pour la deuxième chronique de cette semaine spéciale « Amélie Nothomb », et pas des moindres. En effet, je viens aujourd’hui vous présenter « Hygiène de l’assassin » qui est le premier roman de cette auteure.

     Ici, nous allons suivre le célèbre écrivain Prétextat Tach qui va mourir d'un cancer très rare des cartilages d'ici peu. Face à cette nouvelle, tous les journaux le sollicitent pour une interview exclusive ante-mortem. Seulement quelques journalistes, triés sur le volet, ont le privilège de le rencontrer et de pénétrer chez lui. Vieillard infect, obèse, misogyne et misanthrope, le célèbre écrivain va mener la vie dure aux premiers journalistes (tous des hommes), les faisant fuir et ne retirant rien d’exploitable de leur interview. La dernière personne à pénétrer dans l’antre de Tach, est UNE journaliste, qui va oser lui tenir tête et peu à peu une véritable joute verbale va se mettre en place.

     Mon avis ? C’est un bon livre, un très bon livre même. Il est divisé en cinq parties. La première place le décor, nous donne quelques informations sur Prétextat Tach, les autres représentent chacune un entretien avec un journaliste. Vu comme ça, on pourrait penser que l’histoire risque d’être ennuyeuse, voire commune. Mais, ce n’est sans compter l’énergumène qu’est Prétextat Tach. Loin d’être un vieil homme agonisant et tentant de rentabiliser les quelques semaines qui lui reste à vivre, il est infect et répugnant à souhait : obèse à un point que ça en est morbide, misogyne, misanthrope et j’en passe…

     La quasi-totalité de ce roman est dialoguée. Des échanges insolites, sordides voire malsains vont se succéder. Je vous avouerais que j’ai un peu décroché sur la fin de la deuxième interview et une bonne partie de la troisième. Même si les attaques que mène notre écrivain en fin de vie s’adaptent au journaliste qu’il a en face de lui, des redondances ce sont fait sentir ainsi que quelques longueurs... Heureusement, la dernière interview nous sort de notre demi-somnolence, et les dernières pages s’enchainent à une vitesse presque déconcertante, si bien qu’à la fin on en voudrait encore. Une vraie joute verbale sans merci s’y installe. Déstabilisation, écœurement, supplice intellectuel et manipulation, font alors monter la tension et le malaise entre nos deux personnages. La fin est inattendue et nous laisse bouche bée (le filet de bave en option) quelques instants après la fin de notre lecture.

     Vous l’aurez compris, Amélie Nothomb donne ici dans une autre de ses spécialité: le cynisme, et ce roman est incontestablement « décalé », sombre et dérangeant. C'est donc un second roman que je vous conseille pleinement, mais peut-être plus à ceux qui ont déjà lu un ou deux livres de l’auteure. Je ne sais pas si j’aurais autant apprécié ce roman s’il avait été le premier que j’avais lu d’elle.


Fiche technique:
Titre: Hygiène de l'assassin
Auteure: Amélie Nothomb
Éditeur: Le livre de poche
Nombre de pages: 224
Prix:  5,10 €

Extraits:
"L'écriture commence là où s'arrête la parole, et c'est un grand mystère que ce passage de l'indicible au dicible. La parole et l'écrit se relaient et ne se recoupent jamais." 

"Jamais vous ne verrez deux femmes se battre sainement à coups de poing ni même s'envoyer une solide bordée d'injures : chez elles, c'est le triomphe des coups bas, des petites phrases immondes qui font tellement plus de mal qu'un direct dans la mâchoire."

" Dieu merci, la littérature est moins nocive.
- Pas la mienne. La mienne est plus nocive que la guerre.
- Ne seriez-vous pas en train de vous flatter ?
- Il faut bien que je le fasse puisque je suis le seul lecteur à même de me comprendre. Oui, mes livres sont plus nocifs qu'une guerre, puisqu'ils donnent envie de crever, alors que la guerre, elle, donne envie de vivre. Après m'avoir lu, les gens devraient se suicider."

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